Montréal, le 29 juillet 2020 – Au Yémen, des milliers de personnes pourraient mourir des suites du choléra sans avoir été traitées, en raison de la surcharge que fait peser la COVID-19 sur le système de santé du pays, avertit Oxfam.
Compte tenu de la contagiosité du virus, le nombre de cas de coronavirus au Yémen s’intensifiera vraisemblablement au cours des prochaines semaines. De plus, les fortes pluies du mois d’août pourraient aggraver la situation déjà alarmante en ce qui concerne les cas de choléra, une maladie qui se transmet notamment par la contamination d’eau contaminée.
Le nombre de cas présumés de choléra au Yémen qu’on évaluait à plus de 100 000 en début d’année a chuté de moitié au printemps. Or l’an passé, ce nombre avait augmenté de 70 % durant la même période, car celle-ci coïncide avec le début de la saison des pluies.
Une baisse en trompe-l’œil
On peut donc craindre que des dizaines de milliers de personnes souffrent actuellement du choléra sans avoir été dépistées, ni traitées. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la moitié des personnes ayant reçu un diagnostic de choléra meurent de la maladie si elles ne sont pas soignées, mais si elles reçoivent rapidement un traitement adéquat, ce chiffre ne dépasse pas 1 %.
Le premier cas de COVID-19 signalé au Yémen date du mois d’avril. Bien que seulement 1 644 cas aient été officiellement signalés depuis le 22 juillet, le chiffre réel est sans doute beaucoup plus élevé. En effet, les cas ne sont pas tous déclarés, notamment car l’on manque cruellement d’installations de dépistage. Le ministère du Développement international du Royaume-Uni a récemment estimé qu’un million de personnes pourraient déjà être infectées au Yémen.
« Les épidémies cumulées de cholera et de COVID risquent d’être catastrophiques pour le pays dans les prochaines semaines, affirme la coordonnatrice humanitaire d’Oxfam-Québec, Céline Füri. Dans ce contexte, l’instauration d’un cessez-le-feu est plus urgente que jamais. La population a absolument besoin que les combats qui ont détruit la plupart des infrastructures de santé cessent enfin. »
La guerre au Yémen dure depuis plus de cinq ans. Au cours des derniers mois, Oxfam-Québec et un ensemble d’organisations de la société civile ont interpellé à plusieurs reprises le gouvernement canadien afin que celui-ci mette un terme à ses exportations militaires vers l’Arabie saoudite, l’un des pays impliqués dans ce conflit, sans être entendus. Une pétition à l’initiative d’Oxfam-Québec sur le sujet a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures.
« Au lieu de démontrer que le Yémen maîtrise le choléra et la COVID-19, les chiffres officiels peu élevés prouvent exactement le contraire, commente le directeur de pays d’Oxfam au Yémen, Muhsin Siddiquey. Le manque d’installations sanitaires fonctionnelles et la peur des gens de tomber malades en allant se faire traiter signifient que le nombre de personnes contaminées est grandement sous-évalué. »
Crise économique et alimentaire
Le Yémen a également été frappé par les retombées économiques du coronavirus. Une chute dans l’envoi de fonds et des restrictions encore plus sévères sur les importations essentielles de nourriture ont provoqué d’immenses augmentations du prix des aliments. Des millions de Yéménites risquent donc de sombrer encore plus profondément dans la crise alimentaire qui affecte déjà le pays.
Cette situation est aggravée par un manque de financement pour répondre aux besoins de la population. Seulement 2 % des fonds nécessaires pour fournir de l’eau propre et des systèmes d’hygiène visant à arrêter la propagation de la COVID-19 ont été remis. Globalement, le Yémen touche moins du tiers du financement que le pays avait reçu à la même date l’an passé, et ce, même si la COVID-19 a exacerbé une crise qui constituait déjà la catastrophe humanitaire la plus importante au monde.
« Le monde tente de se relever du choc économique entraîné par le coronavirus, mais la population yéménite qui souffre déjà de la faim, des maladies et de la guerre ne peut pas pour autant être abandonnée à son sort, rappelle Muhsin Siddiquey. La communauté internationale doit faire en sorte de fournir l’aide financière qui permettra à toutes les personnes ayant dû fuir leur maison, combattant une maladie ou souffrant de la faim, d’obtenir l’aide vitale dont elles ont besoin. »
Depuis la confirmation de cas de coronavirus au Yémen en avril, Oxfam a réorienté son travail pour lutter contre la pandémie. Notre organisation œuvre au rétablissement de l’approvisionnement en eau vers l’un des principaux hôpitaux de la ville d’Aden, à la distribution de trousses d’hygiène dans les foyers les plus vulnérables, ainsi qu’au transport d’eau propre par camion dans les camps pour les personnes ayant dû fuir leur domicile. Oxfam forme également des personnes afin de sensibiliser la population aux mesures permettant de combattre la propagation de la COVID-19 et à l’importance de l’hygiène et du lavage des mains.