Malgré les affirmations des autorités israéliennes selon lesquelles l’aide humanitaire entrant à Gaza n’est soumise à aucune restriction, la plupart des grandes ONG internationales n’ont pas été en mesure de livrer un seul camion de fournitures vitales depuis le 2 mars 2025.
Au lieu d’autoriser le passage des nombreuses cargaisons en attente, les autorités israéliennes ont rejeté les demandes de dizaines d’ONG souhaitant acheminer des articles de première nécessité, prétextant que ces organisations ne sont « pas autorisées à acheminer de l’aide ». En juillet seulement, plus de 60 demandes ont été rejetées sous ce prétexte.
À cause de cette obstruction, des millions de dollars en nourriture, en médicaments, en eau et en matériel pour s’abriter restent bloqués dans des entrepôts en Jordanie et en Égypte, tandis que les Palestiniens meurent de faim.
« Anera dispose de plus de 7 millions de dollars de fournitures vitales prêtes à entrer à Gaza, dont 744 tonnes de riz, soit l’équivalent de six millions de repas, bloquées à Ashdod, à quelques kilomètres de là. »
De nombreuses ONG désormais déclarées « non autorisées » à acheminer de l’aide travaillent à Gaza depuis des décennies, bénéficient de la confiance des communautés et sont expérimentées dans la distribution d’aide humanitaire en toute sécurité. Leur exclusion prive les hôpitaux de fournitures de base, laisse des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées mourir de faim et de maladies évitables, et force les travailleurs humanitaires eux-mêmes à se rendre au travail le ventre vide.
Cette obstruction est liée aux nouvelles règles d’enregistrement des ONG internationales introduites en mars. En vertu de ces règles, l’enregistrement peut être refusé sur la base de critères vagues et politisés, tels que la prétendue « délégitimation » de l’État d’Israël.
Les ONG internationales ont averti que ce processus visait à contrôler les organisations indépendantes, à museler le plaidoyer et à censurer les témoignages des travailleurs humanitaires. Cette nouvelle obstruction bureaucratique est incompatible avec le droit international établi, car elle renforce le contrôle et l’annexion par Israël du Territoire palestinien occupé.
Si les ONG internationales ne se soumettent pas à l’intégralité des exigences d’enregistrement, y compris la soumission obligatoire des coordonnées de leurs donateurs privés, des listes complètes de leur personnel palestinien et d’autres informations sensibles sur ce personnel aux autorités israéliennes pour un soi-disant « contrôle de sécurité », nombre d’entre elles pourraient être contraintes de cesser leurs activités à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et de licencier tout leur personnel international dans un délai de 60 jours. Certaines organisations ont même reçu un ultimatum de sept jours pour fournir la liste de leur personnel palestinien.
Les ONG ont clairement indiqué que le partage de ces données est illégal (y compris au regard des lois applicables en matière de protection des données), dangereux et incompatible avec les principes humanitaires.
Dans le contexte le plus meurtrier au monde pour les travailleurs humanitaires, où 98 % des humanitaires tués étaient palestiniens, les ONG n’ont aucune garantie que la transmission de ces informations ne mettra pas leur personnel en danger ou ne servira pas les objectifs militaires et politiques affichés du gouvernement israélien.
Aujourd’hui, les craintes des ONG internationales se sont avérées fondées : le système d’enregistrement est désormais utilisé pour bloquer davantage l’entrée de l’aide humanitaire et l’accès à la nourriture et aux médicaments, et ce, dans le pire des scénarios de famine.
« Depuis l’imposition du siège total le 2 mars, CARE n’a pu livrer aucune des fournitures pré-positionnées à Gaza, d’une valeur de 1,5 million de dollars. Cela comprend des colis alimentaires, des fournitures médicales, des kits d’hygiène, des kits de dignité et des produits de soins maternels et infantiles. Notre mission est de sauver des vies, mais en raison des restrictions d’enregistrement, les civils se retrouvent privés de la nourriture, des médicaments et de la protection dont ils ont un besoin urgent. »
« Plus de 2,5 millions de dollars de marchandises fournies par Oxfam ont été refusées à l’entrée de Gaza par Israël, notamment des produits d’assainissement et d’hygiène, ainsi que de la nourriture. Ce processus d’enregistrement est un signal aux ONG internationales que leur capacité à agir peut se faire au détriment de leur indépendance et de leur capacité à s’exprimer. »
Ces restrictions s’inscrivent dans une stratégie plus large comprenant le dispositif « GHF », un mécanisme de distribution militarisé présenté comme une solution humanitaire. En réalité, il s’agit d’un outil de contrôle meurtrier, qui a coûté la vie à au moins 859 Palestiniens depuis son lancement.
« Ce dispositif militarisé de distribution alimentaire a transformé la famine en arme et aggravé la souffrance. Les distributions sur les sites de la « GHF » ont entraîné des violences extrêmes et des meurtres, principalement de jeunes Palestiniens, mais aussi de femmes et d’enfants, qui s’y sont rendus dans l’espoir de recevoir de la nourriture. »
Le dispositif « GHF » et le processus d’enregistrement des ONG internationales visent tous deux à bloquer l’aide impartiale, à exclure les acteurs palestiniens et à remplacer les organisations humanitaires de confiance par des mécanismes servant des objectifs politiques et militaires. Ces mesures interviennent alors que le gouvernement israélien intensifie son offensive militaire et renforce son occupation de Gaza, et s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à consolider son contrôle et à effacer la présence palestinienne.
« À ce stade, chacun sait quelle est la réponse juste et humaine, et ce n’est pas une jetée flottante, des parachutages ou la « GHF ». La solution, pour sauver des vies, sauver l’humanité et vous protéger de la complicité dans une famine massive orchestrée, est d’ouvrir toutes les frontières, à toute heure, aux milliers de camions, aux millions de repas et de fournitures médicales qui attendent à proximité. »
Nous appelons tous les États et tous les donateurs à :
- Exhorter Israël à mettre fin à la militarisation de l’aide, notamment par des obstacles bureaucratiques, comme les procédures d’enregistrement des ONG internationales.
- Insister pour que les ONG internationales ne soient pas contraintes de partager des informations personnelles sensibles, en violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD), ni de compromettre la sécurité ou l’indépendance de leur personnel comme condition à l’acheminement de l’aide.
- Exiger l’ouverture immédiate et inconditionnelle de tous les points de passage terrestres et l’instauration des conditions nécessaires à l’acheminement de l’aide humanitaire vitale.
Les signataires:
- Action Contre la Faim (ACF)
- A New Policy
- ACT Alliance
- Action For Humanity
- ActionAid Denmark
- ActionAid International
- All We Can
- Alliance Sud
- American Friends Service Committee (AFSC)
- Americares
- Anera
- Asamblea de Cooperación por la Paz
- Bystanders No More
- Campaign Against Arms Trade
- Canadian Foodgrains Bank
- CARE
- Caritas Internationalis
- Caritas Jerusalem
- Caritas Middle East and North Africa
- Caritas Switzerland
- Center for Jewish Nonviolence
- Charity & Security Network
- Children Not Numbers
- Christian Aid
- Churches for Middle East Peace (CMEP)
- CISS – Cooperazione Internazionale Sud Sud
- Committee to Protect Journalists
- Cooperation Canada
- COORDINADORA VALENCIANA ONGD
- DanChurchAid
- Danish Refugee Council (DRC)
- Department of Service to the Palestinian Refugees
- Diakonia
- Diakonie Katastrophenhilfe
- EDUCO
- Embrace the Middle East
- Emergency – Life Support for Civilian War Victims Ong Ets
- Entreculturas
- Forum Ziviler Friedensdienst e.V. (Pro Peace)
- Frieda – the Feminist Peace Organization
- Friends Committee on National Legislation (FCNL)
- Fund for Global Human Rights
- Glia
- HEKS/EPER (Swiss Church Aid)
- HelpAge International
- Humanitarian Coalition
- Humanity Auxilium
- Humanity & Inclusion – Handicap International
- Humanity First UK
- INARA
- Insecurity Insight
- International Development and Relief Foundation (IDRF)
- INTERSOS
- Islamic Relief
- Jahalin Solidarity
- Japan International Volunteer Center (JVC)
- Jüdische Stimme für Demokratie und Gerechtigkeit in Israel/Palästina JVJP Switzerland
- KinderUSA
- Kvinna till Kvinna Foundation
- La Coordinadora de Organizaciones para el Desarrollo (The Spanish Development NGO Platform)
- Médecins du Monde France
- Médecins du Monde International Network
- Médecins Sans Frontières (MSF)
- MedGlobal
- Medical Aid for Palestinians (MAP)
- medico international
- medico international schweiz
- Mennonite Central Committee (MCC)
- Middle East Children’s Alliance
- MPower Change Action Fund
- Muslim Aid
- NORWAC – Norwegian Aid Committee
- Norwegian Church Aid
- Norwegian People’s Aid (NPA)
- Norwegian Refugee Council (NRC)
- Oxfam
- Palestinian Children’s Relief Fund (PCRF)
- PANZMA – Palestinian Australian New Zealand Medical Association
- PARCIC
- Pax Christi International
- Peace Watch Switzerland
- People in Need (PIN)
- Plan International
- Polish Humanitarian Action (PAH)
- Portuguese Platform of Development NGOs
- Première Urgence Internationale (PUI)
- Project HOPE
- Relief International
- Right to Play
- Sabeel-Kairos UK
- Saferworld
- Save the Children International
- Secours Islamique France (SIF)
- Solidar Suisse
- Solidarités International
- SWISSAID
- Terre des Hommes Italy
- Terre des Hommes Lausanne
- The Eastern Mediterranean Public Health Network (EMPHNET)
- The United Church of Canada
- United Against Inhumanity (UAI)
- Vento di Terra
- War Child Alliance
- Weltfriedensdienst e.V.
Notes aux journalistes
- Le Territoire palestinien occupé est le lieu le plus meurtrier au monde pour les travailleurs humanitaires. Le personnel palestinien représente 98 % des décès parmi le personnel humanitaire, soit 509 sur 517 décès survenus entre 2023 et 2025, selon la base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires.
- Le 6 mai, 55 organisations ont prévenu que les nouvelles mesures d’enregistrement des ONG internationales par Israël constituaient une grave menace pour les opérations humanitaires et le droit international.
- Le 1er juillet, plus de 200 organisations ont appelé à une action immédiate pour mettre fin au programme de distribution israélien meurtrier, revenir aux mécanismes de coordination existants dirigés par l’ONU et lever le blocus imposé par le gouvernement israélien sur l’aide humanitaire et les fournitures commerciales.
- Le 23 juillet, plus de 100 organisations ont lancé un cri du coeur : « Alors que la famine se propage à Gaza, nos collègues et ceux que nous aidons dépérissent ».
- Le 29 juillet, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) a déterminé que le pire scénario de famine se confirmait dans la bande de Gaza.
- Israël a toujours nié avoir restreint le volume d’aide autorisé à entrer à Gaza, y compris tout au long du mois de juillet 2025, période pendant laquelle la plupart des refus évoqués dans cette déclaration ont été décrétés.
- Le 31 juillet, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a indiqué que depuis le 27 mai, au moins 1 373 Palestiniens avaient été tués alors qu’ils cherchaient de la nourriture : 859 à proximité des sites de la « GHF » et 514 le long des itinéraires des convois alimentaires. La plupart de ces meurtres ont été commis par les forces israéliennes.
- Le 4 août, un infirmier palestinien à Gaza a été tué par un parachutage.
- Le 5 août, les médias ont rapporté que les autorités israéliennes prévoyaient l’occupation totale de la bande de Gaza.
- Le 6 août, les agences des Nations Unies et les ONG ont averti que, sans action immédiate, la plupart des ONG internationales partenaires pourraient être radiées par Israël dans les semaines à venir.
- Le 6 août, l’Autorité néerlandaise de protection des données (APD) a conclu que les demandes d’information formulées par Israël dans le cadre du processus d’enregistrement des ONG internationales risquaient de violer le Règlement général sur la protection des données (RGPD). L’APD a conseillé aux ONG internationales de ne pas se conformer à ces demandes et a indiqué que la seule solution était qu’Israël modifie ses exigences et que les ministères concernés émettent une protestation officielle.
- Le 7 août, MSF a publié un rapport indiquant que les distributions de nourriture à Gaza, gérées par la soi-disant « GHF », sont des lieux de « meurtres orchestrés et de déshumanisation » qui doivent être fermés.
- Le 10 août, Save the Children a rapporté qu’au moins 100 enfants étaient morts de faim à Gaza depuis octobre 2023.
- Le 12 août, un groupe de rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur les droits de l’homme a publié une lettre adressée au gouvernement israélien, exprimant sa profonde inquiétude quant au fait que les mesures d’enregistrement des ONG « affaiblissent la capacité des ONG internationales à opérer de manière indépendante et impartiale et à mener à bien leur travail humanitaire et de défense des droits humains sans ingérence ni crainte de représailles ».
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