Kadidjatou Bah, volontaire en Afrique
À l’occasion de la Semaine du développement international, Kadidjatou nous livre un témoignage inspirant.

« Je m’appelle Kadidjatou Bah, et je suis conseillère en genre et droits des femmes pour Oxfam en Afrique. Mon engagement pour la justice de genre et les droits des femmes est avant tout une question de conviction et de vécu. Pour moi, l’égalité n’est pas un concept abstrait ni un idéal lointain, c’est une lutte concrète, ancrée dans nos réalités quotidiennes, portée par celles qui résistent, créent et transforment le monde malgré les obstacles. »
« Avant d’occuper ce rôle, j’ai travaillé sur les violences basées sur le genre dans les soins de santé maternelle et infantile au Burkina Faso, ainsi que sur l’inclusion et l’équité en santé au Canada. Ces expériences m’ont profondément marquée. Elles m’ont montré à quel point les inégalités structurelles façonnent nos vies, mais aussi comment des femmes, souvent invisibilisées, luttent sans relâche pour y résister.
Mon choix de m’engager dans le volontariat international vient de cette prise de conscience, mais aussi d’un besoin personnel : celui de revenir à la source, de me reconnecter avec les luttes féministes africaines et d’y contribuer directement. J’ai grandi en constatant la richesse des savoirs et des résistances féministes sur le continent, tout en voyant à quel point elles étaient marginalisées, voire effacées, dans les espaces internationaux. Il était évident pour moi que mon engagement devait se situer ici, aux côtés des organisations féministes locales.
Aujourd’hui, en tant que conseillère en genre et droits des femmes pour Oxfam-Québec, basée à Ouagadougou, j’accompagne 18 pays d’Afrique. Mon travail consiste à fournir un appui stratégique et technique aux équipes pays et à leurs partenaires, en renforçant leurs capacités et en veillant à ce que la justice de genre soit au cœur de leurs actions. Concrètement, cela signifie soutenir la coordination du réseau genre d’Oxfam en Afrique, appuyer les communautés de pratiques féministes, contribuer à la formulation de stratégies régionales et nationales, et représenter ces enjeux dans les espaces de plaidoyer régionaux et internationaux.
Mais surtout, cela signifie être à l’écoute. Ce travail n’a de sens que s’il s’ancre dans les réalités vécues par les femmes et les filles sur le terrain. C’est en partant de leurs expériences, de leurs besoins et de leurs priorités que nous pouvons réellement agir contre les inégalités. Cela passe par un soutien direct aux organisations féministes locales, qui portent des solutions adaptées, innovantes et durables. Ce sont elles qui connaissent le mieux les dynamiques de pouvoir et les leviers de changement dans leurs contextes respectifs. Notre rôle est donc d’amplifier leurs voix, de leur donner l’espace et les ressources nécessaires pour mener leurs combats, et non de leur dicter des solutions.
Ce travail est une source infinie d’apprentissage. Chaque jour, j’ai la chance d’échanger avec des militantes inspirantes, d’accéder à des espaces féministes puissants, et de réfléchir collectivement aux défis qui se posent à nous. Travailler dans un environnement aussi diversifié m’a permis d’approfondir ma compréhension des liens entre genre, développement et humanitaire, et de mesurer l’importance d’une approche intersectionnelle et décoloniale.
Mais les défis sont nombreux. Comme toujours, les ressources sont insuffisantes face à l’ampleur des besoins, et dans un monde traversé par des crises multiples, ce sont souvent les droits des femmes qui passent en dernier. Les normes patriarcales restent profondément ancrées, y compris dans des espaces qui se disent progressistes. Et l’aide internationale est encore trop souvent pensée depuis le Nord global, avec des logiques coloniales qui déconnectent les solutions des réalités locales. Trop fréquemment, les organisations féministes du Sud doivent se battre pour exister dans des cadres qui ne reconnaissent ni leur expertise ni leur autonomie.
Face à cela, nous continuons à plaider pour un financement plus juste, plus flexible, plus respectueux des besoins des organisations féministes locales. Un financement qui leur permette de répondre aux urgences tout en construisant des transformations durables, sans être entravées par des contraintes bureaucratiques absurdes. Parce que celles qui luttent sur le terrain savent déjà ce qu’il faut faire. Elles ont les idées, l’expertise et la vision – ce dont elles manquent, c’est de ressources et d’espace pour agir.
Si je devais donner un conseil à quelqu’un qui veut s’engager dans le volontariat international, ce serait d’y aller avec humilité. Il ne s’agit pas d’arriver avec des solutions toutes faites, mais d’écouter, d’apprendre, et d’accepter d’être transformé·e par les réalités du terrain. Il faut du temps, de la patience et une conscience politique forte. Le changement vient des mouvements et des communautés elles-mêmes. Notre rôle, ce n’est pas de les guider, mais de les soutenir, sans jamais prendre leur place. »
Pour aller plus loin
Découvrir les réponses aux questions posées sur ce projet
Consulter nos projets internationaux
Faire un don pour soutenir nos projets