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Le 18 février 2021 – Près de deux familles sur cinq au Yémen sont obligées de s’endetter pour acheter des produits de base comme la nourriture et les médicaments, indiquent les résultats de recherches menées par Oxfam.

Épuisées par près de six ans de guerre, les familles yéménites sont prises au piège d’un cycle de dettes informelles. Elles vivent dans la précarité, dépendant de la bonne volonté des commerçants de leur octroyer ou non crédit pour les biens les plus élémentaires. Dans bien des cas, les foyers qui réussissent à obtenir des vivres à crédit sont ceux qui peuvent justifier d’un revenu mensuel (le plus souvent de l’aide humanitaire). Les autres ont les plus grandes difficultés à se procurer de la nourriture.

L’année dernière, les bailleurs de fonds internationaux, dont le Canada fait partie, n’ont fourni que la moitié de l’argent nécessaire face à la crise humanitaire yéménite (aussi connue comme la plus grande crise humanitaire du monde). Alors que sera bientôt publié le budget des Nations unies pour 2021, Oxfam exhorte la communauté internationale à répondre d’urgence aux besoins extrêmement importants qui subsistent.

La guerre opposant la coalition menée par l’Arabie saoudite et le gouvernement reconnu par la communauté internationale aux rebelles Houthi, ainsi que la crise que celle-ci a engendrée ont fait plus de 200 000 morts. Malgré, cela le gouvernement canadien refuse toujours de mettre un terme à ses exportations de matériel militaire vers l’Arabie saoudite.

Oxfam-Québec, aux côtés d’autres organisations de la société civile, a pourtant interpellé le premier ministre Justin Trudeau à plusieurs reprises sur le sujet. Une pétition à l’initiative de l’organisation a aussi recueilli près de 3000 signatures au Québec.

« Il est non seulement incohérent mais surtout profondément immoral que notre pays, qui est l’un des donateurs d’aide humanitaire au Yémen, continue d’exporter du matériel militaire à l’une des parties impliquées, indique la coordonnatrice humanitaire d’Oxfam-Québec, Céline Füri. Les gouvernements doivent absolument cesser d’alimenter cette guerre qui dure depuis bien trop longtemps et qui a plongé des dizaines de millions d’individus dans la misère, la peur et l’endettement. Le Canada devrait par ailleurs considérer le Yémen comme une priorité humanitaire et y augmenter son financement pour 2021, alors que la population cumule les chocs : conflit armé, choléra, insécurité alimentaire, Covid-19 et endettement. »

Le nombre de familles s’endettant pour acheter de la nourriture est en augmentation de 62 % depuis le début des affrontements en 2015, selon ce qu’ont indiqué les commerçants yéménites à Oxfam dans le cadre des recherches menées. Les pharmaciens du pays estiment eux que le recours à la dette pour acheter des médicaments a augmenté de 44 %.

Les propriétaires d’épiceries expliquent que la dette est le plus souvent utilisée pour acheter des produits de base comme le pain, la farine, le sucre et le riz. Dans les pharmacies, la dette sert généralement à payer des médicaments contre le diabète et l’hypertension ou contre la fièvre et la diarrhée dans les zones rurales.

L’histoire de Layla Mansoor illustre tristement ce phénomène. La femme de 31 ans et sa famille ont été forcées de fuir leur maison pour échapper aux combats il y a trois ans. Layla dit qu’elle est souvent endettée envers les magasins où elle achète sa nourriture. Chaque mois, sa famille et elle doivent entre 10 000 et 12 000 yers (environ 14 à 19 dollars canadiens). “En ce moment, nous vivons un cauchemar, décrit Layla. Heureusement, jusqu’à présent, nous n’avons pas eu besoin de traitement médical, mais j’ai peur que nous ne puissions pas nous le permettre, si un jour nous en avons besoin.”

Quelque 24,3 millions de Yéménites, soit plus de 83 % de la population, ont actuellement besoin d’aide humanitaire. Cette année, 16,2 millions de Yéménites dépendront de l’aide alimentaire pour survivre, 17,9 millions n’ayant pas accès aux soins de santé dans un pays où seulement la moitié des établissements de santé sont pleinement fonctionnels. On estime que dans certaines régions du Yémen, un enfant sur cinq souffre de malnutrition grave et qu’il risque de grandir avec des problèmes médicaux à vie.

Oxfam, avec d’autres agences au Yémen, apporte un soutien aux familles en difficulté notamment sous la forme de transferts d’argent liquide qui permettent aux gens de choisir ce qu’ils achètent et contribuent à stimuler les marchés locaux.

Notes :

  • Au cours des deux dernières années, Oxfam-Québec et un ensemble d’organisations de la société civile ont adressé quatre lettres au premier ministre canadien Justin Trudeau pour l’appeler à mettre fin aux exportations de matériel militaire vers l’Arabie saoudite sans être entendues. La plus récente de ces lettres, datée de septembre a été signée par une quarantaine d’organisations de divers horizons. Par ailleurs une pétition lancée par Oxfam-Québec sur le sujet a recueilli près de 3 000 signatures.
  • Les résultats de la recherche évoquée sont basés sur 30 enquêtes menées par Oxfam au Yémen auprès de propriétaires d’épiceries et de pharmacies dans les gouvernorats de Sanaa, Hajjah, Ibb et Aden en novembre et décembre 2020. Toutes les enquêtes ont été réalisées à proximité de quartiers pauvres et densément peuplés dans les villes et les banlieues, parfois à proximité des zones d’installation de personnes déplacées où des groupes d’aide humanitaire sont actifs.
  • Oxfam soutient Raghad Jubran, une des 1690 familles (11 830 personnes) du sous-district de Bani Thawab du district d’Abs dans le gouvernorat de Hajjah.
  • Informations et mise à jour sur l’aide d’urgence au Yémen (Nations unies)
  • Informations sur les établissements de soins de santé au Yémen (plan de réponse humanitaire des Nations unies)
  • Les chiffres mentionnées concernant les personnes confrontées à la famine et dépendantes de l’aide alimentaire sont disponibles sur le site du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU.
  • Les chiffres de la malnutrition infantile sont disponibles sur le site de l’UNICEF.
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