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Montréal, 9 juillet 2020 – Jusqu’à 12 000 personnes pourraient mourir de faim chaque jour à cause de la COVID-19 d’ici la fin de l’année 2020, soit potentiellement plus que les victimes du virus lui-même, avertit Oxfam dans un rapport publié aujourd’hui. Au moment où les populations souffrant de la faim se multiplient partout dans le monde, huit des géants de l’agroalimentaire ont versé 18 milliards de dollars à leurs actionnaires.

Le taux de mortalité quotidien causé par la COVID-19 à l’échelle mondiale avait atteint des records en avril 2020, avec un peu plus de 10 000 décès quotidiens. Le rapport d’Oxfam intitulé « Le virus de la faim » révèle comment 121 millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à la famine à cause des répercussions sociales et économiques de la pandémie, dont le chômage de masse, une production et des ressources alimentaires perturbées et un degré d’aide en déclin.

« La COVID-19 est la goutte d’eau qui fera déborder le vase pour des millions de personnes déjà confrontées aux impacts des conflits, des changements climatiques, des inégalités et d’un système alimentaire défaillant qui a appauvri des millions de productrices et producteurs alimentaires et de travailleuses et travailleurs agricoles, souligne Chema Vera, directeur général intérimaire d’Oxfam International. Au même moment, les mieux nantis continuent d’engranger les profits : huit des géants de l’agroalimentaire ont versé plus de 18 milliards de dollars à leurs actionnaires depuis janvier, et ce, malgré la propagation de la pandémie à l’échelle mondiale. Cela représente plus de dix fois le budget requis par les Nations unies pour combattre cette crise de la faim. »

Dix foyers de famine extrême dans le monde

Le rapport présente les dix foyers de famine extrême dans le monde, comme le Venezuela et le Soudan du Sud où la crise alimentaire qui sévissait déjà est accentuée et aggravée par la pandémie. Le document mentionne également des foyers émergents comme dans des pays à revenu intermédiaire (Inde, Afrique du Sud, Brésil) où des millions de personnes déjà fragilisées ont basculé dans la faim en raison de la pandémie :

  • Brésil : des millions de travailleuses et de travailleurs pauvres, qui n’ont ni épargne ni aide sur lesquelles compter, ont perdu leurs revenus à cause du confinement. Seulement 10 % de l’aide financière promise par le gouvernement fédéral avait été distribuée fin juin, et les grandes entreprises sont privilégiées au détriment des travailleuses, des travailleurs et des PME plus vulnérables.
  • Inde: les restrictions imposées sur les déplacements ont privé les exploitants agricoles d’une main-d’œuvre vitale composée de personnes migrantes au plus fort de la saison des récoltes, contraignant un grand nombre d’entre elles à laisser leurs cultures pourrir dans les champs. Par ailleurs, les négociants n’ont pas eu la possibilité de se rendre dans les communautés autochtones au cœur de la saison des récoltes de produits forestiers, privant jusqu’à 100 millions de personnes de leur principale source de revenus de l’année.
  • Yémen: Les envois de fonds ont chuté de 80 % (soit de 253 millions de dollars US) au cours des quatre premiers mois de l’année 2020 à la suite des nombreuses pertes d’emplois dans le Golfe. La fermeture des frontières et des routes de ravitaillement a provoqué des pénuries alimentaires et une flambée des prix des denrées dans ce pays qui importe 90 % de sa nourriture.
  • Sahel: les restrictions de déplacement ont empêché les éleveurs de déplacer leur bétail sur des pâturages plus verdoyants, mettant en péril les moyens de subsistance de millions de personnes. Seulement 26 % des 2,8 milliards de dollars américains requis pour faire face à la COVID-19 dans la région ont été mobilisés.

Kadidia Diallo, productrice de lait au Burkina Faso, a confié à Oxfam que la COVID-19 leur fait beaucoup de mal.

« J’ai toutes les peines du monde à nourrir mes enfants. Nos seuls revenus proviennent de la vente du lait. Avec la fermeture des marchés, nous ne pouvons plus en vendre. Nous n’avons donc plus de quoi manger. »

Les femmes et les ménages dirigés par des femmes sont davantage exposés à la faim alors qu’elles jouent un rôle essentiel en tant que productrices et travailleuses dans le secteur alimentaire. Les femmes sont déjà marginalisées en raison d’une discrimination systémique qui les condamne à gagner moins et à posséder moins d’actifs que les hommes. Elles représentent une part importante des groupes les plus touchés par les conséquences économiques de la pandémie, comme la main-d’œuvre informelle. Elles doivent également absorber la forte hausse du travail de soin non rémunéré, une situation accentuée par la maladie et la fermeture des écoles.

Un appel lancé aux gouvernements

« Les gouvernements doivent contenir la propagation de ce virus mortel, mais il est tout aussi vital qu’ils prennent des mesures pour éviter qu’autant de personnes, voire plus, meurent de faim à cause de la pandémie », plaide Denise Byrnes, directrice générale d’Oxfam-Québec.

« Les gouvernements, ajoute madame Byrnes, peuvent sauver des vies dès à présent, en finançant totalement l’appel humanitaire des Nations unies face à la crise du COVID-19, en s’assurant que l’aide atteigne les personnes qui en ont le plus besoin et en annulant la dette des pays en développement afin de libérer des fonds pour financer des programmes de soins de santé et de protection sociale. Pour mettre un terme à cette crise alimentaire, les gouvernements doivent également construire des systèmes alimentaires plus équitables, plus résilients et plus durables, qui placent les intérêts des productrices et producteurs alimentaires et des travailleuses et travailleurs agricoles au-dessus des profits des géants de l’agroalimentaire », conclut-elle.

Depuis le début de la pandémie, Oxfam est venue en aide à quelque 4,5 millions de personnes parmi les plus vulnérables au monde en leur fournissant de la nourriture et de l’eau potable, avec le concours de plus de 344 partenaires dans 62 pays. L’objectif est d’atteindre un total de 14 millions de personnes soutenues, en levant 113 millions de dollars américains supplémentaires pour soutenir ses programmes.

  • Le rapport est disponible en cliquant sur ce lien: « Le virus de la faim : comment le coronavirus sème la faim dans un monde affamé ».
  • Le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) estime qu’il y aura cette année environ 121 millions de personnes supplémentaires qui souffriront de la faim à un niveau critique (phase 3 de l’IPC ou au-delà) du fait des impacts socio-économiques de la pandémie.
  • Le taux de mortalité journalier pour la phase 3 de l’IPC (et au-delà) est estimé entre 0,5 et 1 pour 10 000 personnes, soit 6 050 à 12 100 décès quotidiens à cause de la faim et en lien avec la pandémie avant fin 2020.
  • Le taux de mortalité journalier causé par le COVID-19 à l’échelle mondiale a enregistré des records en avril 2020, avec un peu plus de 10 000 décès quotidiens. Il est de 5 000 à 7 000 décès quotidiens d’après les données de l’Université Johns Hopkins.
  • Oxfam a réuni des informations sur les versements de dividendes de huit des plus grandes entreprises de l’agroalimentaire au monde jusqu’au début juillet 2020, en compilant des données provenant des sites Web des entreprises, du NASDAQ et de Bloomberg. Les chiffres sont arrondis au million le plus proche : Coca-Cola (3,522 milliards de dollars), Danone (1,348 milliard de dollars), General Mills (594 millions de dollars), Kellogg (391 millions de dollars), Mondelez (408 millions de dollars), Nestlé (8,248 milliards de dollars sur l’année entière), PepsiCo (2,749 milliards de dollars) et Unilever (estimation de 1,180 milliard de dollars). Un grand nombre de ces entreprises poursuivent leurs efforts pour lutter contre la COVID-19 ou la famine dans le monde.
  • Voici la liste des 10 foyers de famine extrême : Yémen, République démocratique du Congo (RDC), Afghanistan, Venezuela, Sahel et pays d’Afrique de l’Ouest, Éthiopie, Soudan, Soudan du Sud, Syrie et Haïti.
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