Une proportion écrasante des pays qui bénéficient de prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) ont réduit leurs dépenses dans l’éducation publique, la santé et la protection sociale au cours des deux dernières années. Ces choix politiques risquent d’accroître les inégalités.
C’est ce que révèle l’Indice de l’engagement à la réduction des inégalités (ERI) 2024 dévoilé aujourd’hui par Oxfam et Development Finance International.
La quasi-totalité de ces pays (94%) ont réduit leurs dépenses dans les services sociaux essentiels depuis deux ans. Pour les pays de l’Association internationale de développement (AID), qui regroupe les pays les plus pauvres du monde, c’est pire : 95 % d’entre eux ont procédé à de telles coupes.
« Ces réductions ne sont pas seulement décourageantes, elles sont dangereuses et contraires au développement. »
« Trop de pays du Sud sont confrontés à un choix déchirant entre investir dans l’éducation et la santé et adopter des mesures d’austérité pour rembourser une dette écrasante. Ces décisions ont un coût humain terrible. Des millions de personnes dépendent des services publics pour s’épanouir et construire une vie meilleure pour elles-mêmes et leurs enfants. »
L’Indice de l’engagement à la réduction des inégalités classe 164 pays en fonction de leurs politiques en matière de services publics, de fiscalité et de droits des travailleurs et travailleuses, des mesures essentielles à la réduction des inégalités. Le classement de 2024 montre que, pour la première fois depuis la création de l’indice en 2017, la majorité des pays reculent dans ces trois domaines critiques.
Le Canada fait bonne figure, mais…
À première vue, le Canada fait bonne figure en se classant au deuxième rang, derrière la Norvège. Mais les pays les plus performants, soit les pays à revenu élevé, sont à la traîne dans plusieurs indicateurs. Les dix premiers pays du classement ont des politiques fiscales régressives : le système d’imposition a peu d’impact sur la réduction des inégalités puisque ce sont les personnes de la classe moyenne qui supportent la majeure partie de la charge fiscale.
Bien qu’il n’ait pas connu de coupes majeures en santé et en éducation, le Canada a enregistré une baisse significative de ses investissements en matière de protection sociale à la suite des ajustements apportés à certains programmes sociaux tels que l’assurance-emploi ; seulement 40% des chômeurs sont actuellement admissibles à ces prestations.
Des investissements pour mettre en place des mesures de protection sociale sont nécessaires afin de réduire les inégalités au Canada, alors que les disparités économiques s’accroissent : l’infime minorité (0,02%) des personnes les plus fortunées du pays possèdent plus de richesse que les 80% les plus pauvres.
En 2023, la Banque mondiale a introduit son tout premier indicateur visant à réduire le nombre de pays à forte inégalité (coefficient de Gini de 0,4 ou plus). Malgré cette avancée, la Banque a édulcoré ses engagements antérieurs en faveur d’une fiscalité progressive, notamment ceux portant sur la hausse de l’impôt des super-riches.
Le classement montre que sur les 164 pays étudiés, 81 % ont affaibli la capacité de leur système fiscal à réduire les inégalités. C’est le cas du Canada, qui a reculé dans ce domaine.
« La taxe sur les gains en capital introduite dans le budget fédéral de 2024 est un pas dans la bonne direction, mais c’est insuffisant. D’abord parce qu’elle ne concerne que 0,13% des personnes les plus riches, et parce qu’elle ne s’accompagne pas d’autres mesures : le taux d’imposition des revenus des grandes entreprises au fédéral est minimal (15 %) et stagne. L’augmentation des impôts sur les revenus et la fortune des super-riches et des entreprises permettrait d’amasser des milliards de dollars pour renforcer les services publics et le filet de protection sociale, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. »
Les pays au bas du classement sont majoritairement situés en Afrique subsaharienne ; tous les pays de la région bénéficient de programmes de la Banque mondiale et du FMI. Outre la faiblesse de leurs recettes fiscales, la crise de la dette, les conflits et le dérèglement climatique empêchent ces pays d’investir dans l’éducation, la santé et la sécurité sociale. En moyenne, les pays à revenu faible et intermédiaire consacrent 48 % de leur budget au service de la dette, soit bien plus que pour l’éducation et la santé réunies.
Taxer les ultra-riches
Oxfam réclame une réforme fiscale afin que les plus riches et les grandes entreprises de la planète paient leur juste part. Cela inclut l’imposition des profits excédentaires réalisés par certaines entreprises, notamment pendant la pandémie, une taxe nationale sur la richesse et des mécanismes pour réduire l’évasion fiscale.
Lors de la réunion des ministres des Finances du G20 en juillet 2024, pour la première fois dans l’histoire, les plus grandes économies du monde ont accepté de coopérer pour taxer les ultra-riches, une initiative saluée par le président de la Banque mondiale Ajay Banga.
« Les gouvernements du monde entier en font encore moins pour lutter contre les inégalités, ce qui exacerbe l’extrémisme et sape la croissance. Avec l’adoption par la Banque mondiale d’un nouvel objectif de lutte contre les inégalités, la Banque mondiale et le FMI ont une nouvelle occasion de défendre des politiques qui réduisent les inégalités – des services publics gratuits, des systèmes fiscaux plus équitables et une meilleure protection des travailleuses et travailleurs. Ils doivent saisir cette occasion dès maintenant. »
Notes aux journalistes
- Téléchargez le rapport de l’Indice de l’engagement à la réduction des inégalités d’Oxfam et de Development Finance International à l’adresse inequalityindex.org.
- Development Finance International est une organisation à but non lucratif de renforcement des capacités, de plaidoyer, de conseil et de recherche.
- Selon les recherches d’Oxfam, l’inégalité est élevée ou s’accroît dans 25 (54 %) des pays qui reçoivent des fonds de l’AID.
- La Banque mondiale doit prendre des mesures pour actualiser rapidement et significativement les données sur les inégalités, en particulier en ce qui concerne les revenus et la richesse de ceux qui sont au sommet de l’échelle. Pour plus de 100 pays, les données les plus récentes disponibles datent de 2019 ou d’avant, c’est-à-dire avant la pandémie.
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