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16 novembre 2020 – Les États membres du G20 ont exporté des armes d’une valeur de plus de 22 milliards de dollars canadiens vers l’Arabie saoudite depuis que celle-ci s’est impliquée dans le conflit au Yémen en 2015. Pourtant, ils n’ont versé qu’un tiers de cette somme pour venir en aide aux personnes confrontées à ce qui constitue la plus grande crise humanitaire au monde.

Sur la période allant de 2015 à 2019, le Canada a exporté du matériel militaire d’une valeur de 375 millions $ CA vers l’Arabie saoudite ce qui correspond à 1,6 fois le montant d’aide humanitaire que le pays a fourni au Yémen depuis 2015. Par ailleurs sur la même période, le gouvernement canadien a autorisé des licences d’exportation de matériel militaire vers ce même pays pour un montant de plus de 4 milliards $ CA.

Malgré les appels répétés d’Oxfam-Québec et de plusieurs autres organisations de la société civile ainsi que son adhésion au Traité sur le commerce des armes, le Canada refuse toujours de cesser ces exportations.

Les chefs d’États du G20 doivent se réunir cette semaine dans le cadre d’un sommet virtuel organisé par l’Arabie saoudite. Les ventes d’armes à cet État du Golfe pourraient faire l’objet d’une surveillance renforcée compte tenu que Joe Biden, nouvel élu à la présidence des États-Unis, a déclaré qu’il mettrait fin aux ventes d’armes à l’Arabie saoudite, lesquelles alimentent la guerre au Yémen.

La pire crise humanitaire au monde

Après cinq ans de conflit, le Yémen connaît la pire crise humanitaire au monde, avec 10 millions de personnes souffrant de la faim, la plus grande épidémie de choléra jamais enregistrée et seulement la moitié des hôpitaux fonctionnant à plein régime. Oxfam a rapporté en août que depuis le début de cette guerre, des raids aériens visent des hôpitaux, des cliniques, des puits et des réservoirs d’eau en moyenne tous les dix jours.

« Il est inacceptable que le gouvernement canadien continue d’alimenter ce conflit meurtrier par ses exportations de matériel militaire, déplore la coordonnatrice humanitaire d’Oxfam-Québec, Céline Füri. C’est d’autant plus contradictoire que notre pays est l’un des principaux donateurs d’aide humanitaire au Yémen. »

La pandémie de coronavirus n’a fait qu’aggraver la situation sur place. Malgré cela, le plan de réponse humanitaire des Nations Unies pour fournir de l’eau potable, de la nourriture et des soins médicaux aux plus vulnérables n’est financé qu’à 44 % cette année.

La décision de l’Arabie saoudite de prendre la tête d’une coalition de huit pays pour soutenir le gouvernement du Yémen, lequel est reconnu par la communauté internationale, a aggravé le conflit et entraîné des raids aériens qui durent depuis plus de cinq ans. Alors que la valeur des exportations d’armes des pays du G20 vers l’Arabie saoudite correspond à 22 milliards $ CA pour la période 2015-2019 (la dernière année pour laquelle des données sont disponibles), ce chiffre s’élève en fait à 41,2 milliards si l’on y ajoute les exportations vers les sept autres pays membres de la coalition en guerre au Yémen. C’est plus de cinq fois le montant de l’aide apportée au Yémen par les pays membres du G20 entre 2015 et 2020. En outre, l’Arabie saoudite a accordé une aide de près de 5 milliards de $ CA.

Une situation « absolument immorale »

« Après avoir été confrontée pendant toutes ces années aux maladies, aux déplacements et à tant de morts, la population du Yémen a besoin de ce puissant soutien de la communauté internationale afin de rassembler toutes les parties au conflit et de les amener à accepter un cessez-le-feu immédiat, commente Muhsin Siddiquey, directeur d’Oxfam au Yémen. Il est absolument immoral de gagner des milliards grâce aux exportations d’armes qui alimentent le conflit, tout en versant une petite part de ces bénéfices en aide au Yémen. Les États les plus riches du monde ne peuvent pas continuer à faire passer leurs bénéfices avant la population yéménite. »

Malgré la déclaration unilatérale de cessez-le-feu annoncée par la coalition saoudienne en avril, les combats se poursuivent dans l’ensemble du pays. Les gouvernorats de Marib et d’Al-Jawf, dans le nord du pays, sont les plus touchés par les frappes aériennes, tandis que le gouvernorat de Taïz, dans le centre du Yémen, connaît les combats les plus violents sur le terrain. La ville portuaire clé de Hudaydah a récemment connu une recrudescence des combats. Il s’agit du principal point d’entrée pour la nourriture, le carburant et les médicaments dont ont besoin les 20 millions de Yéménites qui habitent les gouvernorats du nord pour prévenir la famine et une nouvelle épidémie de choléra.

Certains États membres du G20, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, versent une aide au Yémen, mais il ne s’agit que d’une petite part de la valeur des exportations de leurs sociétés nationales d’armement vers l’Arabie saoudite. D’autres États, comme le Japon, ont versé une aide au Yémen et n’ont pas exporté d’armes vers l’Arabie saoudite au cours des cinq dernières années. Tandis que d’autres, comme l’Argentine, n’ont ni apporté d’aide au Yémen, ni exporté d’armes vers l’Arabie Saoudite.

Ibtisam Sageer Al Razehi, 35 ans, une ancienne enseignante et mère de trois enfants, vit avec sa famille dans les décombres de leur maison dans la ville de Sa’ada, qui a été dévastée par des missiles et des tirs d’artillerie. Son mari a été tué lors d’une attaque aérienne en 2015.

« J’ai perdu mon mari, mes enfants ont perdu leur père, nous avons perdu notre source de revenus et, à cause de la guerre, j’ai aussi perdu mon emploi, qui était notre dernier espoir pour survivre, déplore-t-elle. L’aide humanitaire a beaucoup diminué : nous ne recevons de la nourriture que tous les deux mois maintenant, au lieu de chaque mois. J’implore le monde de prendre pitié des enfants du Yémen et de mettre fin à cette guerre. Nous avons perdu tout ce qui faisait que la vie était belle, même le simple espoir de vivre en paix. »

Pour que le Canada cesse ses exportations d’armes :

Notes :

  • Au cours des deux dernières années, Oxfam-Québec et un ensemble d’organisations de la société civile ont adressé quatre lettres au premier ministre canadien Justin Trudeau pour l’appeler à mettre fin aux exportations de matériel militaire vers l’Arabie saoudite sans être entendues. La plus récente de ces lettres, datée de septembre a été signée par une quarantaine d’organisations de divers horizons. Par ailleurs une pétition lancée par Oxfam-Québec sur le sujet a recueilli près de 3 000 signatures.
  • Les données sur la valeur des exportations d’armes vers l’Arabie saoudite et d’autres pays de la coalition proviennent de la base de données sur les transferts d’armes de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Elles comprennent les données relatives aux exportations effectuées entre 2015 et 2019. Ces données peuvent indiquer des montants inférieurs à ceux contenus dans les déclarations des différents gouvernements concernant leurs exportations de matériel militaire, notamment parce que le SIPRI ne prend pas en compte dans ses calculs les licences autorisées, mais le volume de matériel effectivement fourni à un État par un autre au cours d’une année donnée en faisant une estimation de la valeur basée sur différents critères (plus de détails ici).
  • Les données sur le montant des aides versées au Yémen proviennent du Service de suivi financier (Financial Tracking Service) du Bureau de la coordination des affaire humanitaires (OCHA) des Nations Unies. Selon ces données, le Canada a fourni 230 118 936 $ CA depuis 2015.
  • L’Organisation des Nations Unies a déclaré à plusieurs reprises au cours des dernières années que la situation au Yémen constituait la pire crise humanitaire au monde.
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