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Genève, 1er décembre – Les Nations Unies prévoient qu’environ 235 millions de personnes à l’échelle planétaire auront besoin de mesures de soutien nécessaires à leur survie en 2021. Il est donc essentiel que les organismes d’aide aient un accès sans entrave aux personnes qui ont le plus besoin de leur soutien et que les interventions humanitaires soient entièrement financées, déclarent aujourd’hui six organisations non gouvernementales (ONG) dont Oxfam.

Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a lancé aujourd’hui son aperçu de la situation humanitaire mondiale, une projection des besoins humanitaires des personnes touchées par des conflits, par la famine et par les effets ravageurs de la COVID-19. Selon ce rapport, on estime à un peu plus de 45 milliards de dollars canadiens la somme nécessaire pour prodiguer à 160 millions de personnes des mesures de soutien nécessaires à leur survie en 2021.

Les organisations de la société civile signataires, qui œuvrent toutes sur le terrain dans des zones de conflit à l’échelle de la planète, demandent aux gouvernements donateurs de manifester de toute urgence leur engagement envers les populations les plus vulnérables en finançant entièrement les interventions humanitaires. Cependant, elles soulignent également que les besoins ne pourront être entièrement comblés que si les gouvernements et les groupes armés s’engagent fermement à veiller à ce que les travailleuses et les travailleurs humanitaires aient un accès sécuritaire et sans entrave aux populations nécessitant leur soutien.

Les parties impliquées dans des conflits doivent absolument adhérer à l’appel au cessez-le-feu mondial lancé en début d’année par le secrétaire général de l’ONU et le Conseil de sécurité des Nations Unies afin d’éviter qu’il y ait d’autres victimes civiles et de faire en sorte que les populations ayant besoin d’aide puissent avoir accès à des mesures de protection et à des services essentiels à leur survie. À cette fin, les États doivent freiner les ventes d’armes aux parties en guerre si de telles armes sont susceptibles de servir à commettre ou à faciliter de graves violations du droit international ou d’être utilisées contre des civils, rappellent les organismes d’aide.

Ces efforts sont d’autant plus importants au terme d’une année durant laquelle la COVID-19 aura plongé de nombreuses communautés dans la pauvreté, accru le risque de famine et exercé une pression sur les réseaux de santé jusqu’à leur point de rupture.

Aujourd’hui, une combinaison fatale de conflits et d’entraves bureaucratiques entraîne d’importants délais en ce qui concerne l’acheminement de l’aide. Entre 2018 et 2019, selon les données des Nations Unies, le nombre de cas de refus d’accès à des enfants et à leur famille pour fournir de l’aide a augmenté de 795 à 4 402, le nombre le plus élevé jamais enregistré.

Le Yémen à titre d’exemple est largement reconnu comme étant l’un des endroits les plus difficiles pour l’acheminement de l’aide, en raison des restrictions et des conflits en cours. La situation a entraîné une augmentation fulgurante du nombre de personnes vivant dans des « zones difficiles à atteindre », soit une hausse vertigineuse de 5,1 millions en avril 2019 à 19,1 millions de personnes le mois dernier, selon les chiffres de l’ONU.

Si l’accès demeure entravé, des familles vulnérables ne pourront être rejointes alors que le pays est au bord de la famine et que l’infrastructure d’acheminement des mesures d’aide est gravement endommagée, notamment par l’utilisation répandue d’armes explosives dans les zones peuplées, indiquent les ONG.

La COVID-19 est venue complexifier les défis en matière d’accès humanitaire à l’échelle mondiale. Depuis le début de la pandémie, les populations dans plus de 50 pays ont cessé d’obtenir l’aide humanitaire dont elles ont besoin en raison de contraintes d’accès.

Bien que certaines restrictions aient été mises en place de façon légitime pour limiter la propagation du virus, les travailleurs humanitaires et les travailleurs de la santé ont également subi des attaques en raison du rôle qu’ils jouent en tentant de contrer contre la COVID-19. De plus, les gouvernements et les groupes armés ont imposé des obstacles bureaucratiques et limité l’accès aux populations, compromettant ainsi gravement la capacité d’acheminer de l’aide aux collectivités.

Propos d’Inger Ashing, directrice générale de Save the Children :

« Des millions d’enfants vulnérables ignorent d’où viendra leur prochain repas ou s’ils survivront à la prochaine frappe aérienne. Les combats dans des pays comme le Yémen, l’Afghanistan, la Syrie et la RDC se sont poursuivis, voire intensifiés, en dépit des appels au cessez-le-feu mondial. En même temps, la COVID-19 contribue à l’accroissement de problèmes susceptibles d’exacerber les conflits, comme l’augmentation des niveaux de famine et de pauvreté. Cette combinaison fatale de famine et de conflits prend en partie racine dans la pandémie et dans le refus des parties de déposer leurs armes et de se concentrer sur la lutte contre le virus. »

Propos de Sofia Sprechman, secrétaire générale de CARE International :

« La COVID a entraîné une augmentation tellement massive de la violence fondée sur le sexe (VFS) que les Nations Unies parlent d’une « pandémie de l’ombre ». Il est grand temps de faire sortir ce problème de l’ombre et de l’exposer à la lumière. La lutte contre la VFS et les services de santé sexuelle et reproductive sont des mesures essentielles et nécessaires à la survie que les États doivent obligatoirement prodiguer en vertu du droit international en matière de droits de la personne, y compris en période de conflit. Mais, trop souvent, cette responsabilité est reléguée aux organismes locaux dirigés par des femmes, qui peinent à répondre aux besoins qui augmentent de façon fulgurante. Il est temps de veiller à ce que la lutte contre la VFS et les services de santé sexuelle et reproductive soient intégrés et rendus accessibles à toute la population de façon sécuritaire, conviviale et appropriée au sexe et à l’âge, notamment par l’attribution de budgets et de ressources, surtout à l’intention des organismes locaux dirigés par des femmes. »

Propos de Manuel Patrouillard, directeur général d’Humanité et Inclusion :

« En 2021, les répercussions sociales et économiques de la COVID-19, l’aggravation de l’insécurité alimentaire dans certaines régions du monde et la prolongation des conflits armés constituent une combinaison ravageuse atteignant des millions de civils nécessitant de l’aide humanitaire. Les organismes humanitaires et les personnes ayant besoin de protection et d’aide humanitaire, souvent en zone de guerre, se heurtent à de nombreuses difficultés et entraves en lien avec l’acheminement de l’aide humanitaire. Les obstacles se présentent sous plusieurs formes, allant de l’intensification des entraves bureaucratiques au refus d’accès à certaines régions. Les travailleurs humanitaires, y compris les équipes médicales, sont aussi régulièrement ciblés par les parties belligérantes… Notre travail est entravé à toutes les étapes. Il est actuellement plus urgent que jamais de lever les restrictions et d’assurer la sécurité des travailleurs humanitaires. »

Propos de David Miliband, président et directeur général de l’International Rescue Committee :

« Nous vivons dans une époque d’impunité où les civils et les travailleurs humanitaires sont devenus des cibles et où la responsabilité à l’égard des violations du droit international, y compris le refus d’aide, est absente. Pour répondre aux besoins humanitaires sans précédent annoncés aujourd’hui, de nouveaux niveaux de leadership et de coopération s’imposent à l’échelle internationale. Les États doivent démontrer leurs engagements collectifs à l’égard du financement humanitaire et du droit international, de même que leur volonté d’amener les contrevenants à répondre de leurs actes. Les gouvernements et les parties belligérantes doivent écouter l’appel au cessez-le-feu mondial. Tant que les bombes continueront à tomber et que les civils seront forcés de fuir, la réussite de toute riposte à la pandémie s’en trouvera compromise. »

Propos de Gabriela Bucher, directrice générale d’Oxfam International :

« La pandémie de COVID-19 se fait ressentir très durement par les centaines de millions de personnes se trouvant à l’intersection des conflits, de la crise climatique, de la violence fondée sur le sexe et de l’inégalité. Les populations de pays comme le Yémen, la République centrafricaine et la Syrie luttaient déjà pour surmonter la malnutrition et la propagation des maladies, en plus du risque accru que pose le manque d’eau potable et d’installations de santé. Nous faisons actuellement face à une crise planétaire qui requiert une solidarité planétaire : il est absolument urgent d’investir de l’argent, d’assurer l’accès et, ultimement, de mettre en œuvre des mesures pour soutenir les personnes nécessitant de l’aide essentielle à leur survie. »

Propos de Denise Byrnes, directrice générale d’Oxfam-Québec :

« Tous les pays sont affectés par la COVID, mais tous ne le sont pas de la même manière. Pour les communautés déjà confrontées aux conflits, à la pauvreté et aux effets des changements climatiques, la pandémie et ses conséquences ont des effets désastreux. Une crise mondiale nécessite une réponse mondiale. Cette réponse doit aussi se faire à travers l’action des organisations de coopération internationale et il est essentiel que l’aide humanitaire puisse se poursuivre en dépit des conflits, partout où elle est nécessaire. »

Propos d’Andrew Morley, président et directeur général de Vision Mondiale :

« Cette pandémie continue à ravager l’avenir des enfants et à entraîner des ondes de choc qui anéantissent les rêves de toute une génération, particulièrement les personnes les plus vulnérables, déjà chassées de chez elles en raison des conflits. Les enfants nous disent que le fait d’être privés d’école les expose à la violence, que les immunisations permettant de sauver des vies sont interrompues en raison des pressions exercées sur les services de santé et que la faim et la malnutrition s’intensifient. Nous implorons les décideurs d’écouter la voix de ces enfants et d’entretenir l’espoir en mettant de côté la politique et les conflits pour permettre aux enfants de développer le plein potentiel qui leur a été donné. »

Les six organisations signataires demandent donc :

  • aux parties belligérantes d’adhérer aux normes et au droit international, et d’assurer aux travailleurs humanitaires un accès sécuritaire et sans entrave afin de leur permettre de venir en aide aux personnes dans le besoin et d’intervenir efficacement en lien avec la pandémie de COVID-19 et d’autres besoins humanitaires, de même que de garantir la protection des civils malgré les situations de conflit;
  • à la communauté internationale de déployer la mobilisation des intervenants sur le terrain pour faciliter un meilleur accès aux populations les plus vulnérables tout en continuant à assurer la sécurité des travailleurs humanitaires, des travailleurs de la santé et des principes humanitaires; elles demandent également à la communauté internationale et aux parties belligérantes de prendre de toute urgence les mesures qui s’imposent pour cesser les hostilités à l’échelle internationale dans le respect de l’appel du secrétaire général des Nations Unies et de la résolution 2532, adoptée en juillet par le Conseil de sécurité de l’ONU, de même que d’appuyer les efforts de négociation des envoyés spéciaux de l’ONU et des autres intervenants en médiation en vue d’une paix durable;
  • à la communauté internationale d’attribuer dès maintenant le financement nécessaire pour appuyer le déploiement de l’intervention humanitaire en 2021 et de veiller au plein financement des appels humanitaires régionaux et nationaux.
* Voici les six organisations signataires :
  • Save the Children
  • CARE International
  • Humanité & Inclusion
  • International Rescue Committee
  • Oxfam International
  • Vision Mondiale
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