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14 décembre 2020 — Une nouvelle recherche menée par Oxfam révèle que plus d’un tiers de la population mondiale n’a reçu aucune aide publique pour faire face aux effets de la pandémie de COVID-19.

Un nouveau rapport intitulé « À l’abri de la tempête » (en anglais), écrit en partenariat avec Development Pathways, analyse les programmes mis en place par les gouvernements de 126 pays à revenu faible et intermédiaire pour injecter des fonds supplémentaires destinés à aider leur population, comme des prestations d’invalidité, des allocations chômage, des allocations familiales ou des allocations pour personnes âgées.

Au total, 11 700 milliards de dollars US supplémentaires ont été dépensés cette année à l’échelle planétaire pour faire face aux répercussions de la pandémie de coronavirus. Sur cette somme, 9 800 milliards de dollars US (83 %) sont le fait de 36 pays riches alors qu’à peine 42 milliards de dollars US (0,4%) ont été dépensés dans 59 pays à revenu faible.

Concernant les fonds supplémentaires destinés spécifiquement aux programmes de protection sociale, 28 pays riches ont dépensé l’équivalent de 695 dollars US par personne. En revanche, les pays émergents et à revenu faible n’y ont consacré qu’entre 4 et 28 dollars US par habitant.

De plus, les pays riches n’ont augmenté leur aide pour la protection sociale aux pays en développement que de 5,8 milliards de dollars US, soit l’équivalent de moins de cinq cents pour 100 dollars collectés pour lutter contre la Covid-19.

« Le coronavirus a affecté le monde entier mais la réponse mise en place a été très différente d’un pays à l’autre, indique la directrice générale d’Oxfam-Québec, Denise Byrnes. Plus de deux milliards de personnes ont pu bénéficier de mesures de protection sociale supplémentaires et essentielles en 2020, leur permettant de subvenir aux besoins de base de leurs proches. Malheureusement, ceci n’est pas le cas pour la majorité des personnes les plus pauvres, qui ont été totalement laissées à elle-même. Leur situation est alarmante mais les gouvernements peuvent encore y remédier en investissant massivement dans des mesures sociales ciblant les personnes les plus fragilisées, notamment les jeunes filles et les femmes. »

Bien que le Canada fasse partie des pays ayant offert une protection sociale étendue à leur population, Oxfam-Québec a lancé récemment une pétition pour s’assurer que ces efforts se poursuivent ainsi qu’en faveur d’une meilleure taxation de la richesse dans le pays pour financer une relance plus verte, juste et inclusive.

Le besoin de meilleurs programmes de protection sociale pour venir en aide aux populations est énorme. Un demi-milliard de personnes sont actuellement sans emploi ou en situation de sous-emploi et les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes dans ce groupe. Les personnes occupant des emplois précaires ou peu payés dans les pays à revenu faible sont les plus touchées. Beaucoup s’enfoncent dans les dettes, sautent des repas, et doivent vendre leurs biens. Les envois de fonds des personnes migrantes à leur famille dépendante restée au pays se sont effondrés. La pauvreté et la faim dans le monde atteignent des sommets.

Voici quelques-unes des conclusions du rapport :

  • Dans 41 % des 126 pays étudiés les programmes de protection sociale consistaient en des versements uniques, épuisés depuis bien longtemps maintenant. Seulement 13 % des programmes s’étendaient sur plus de six mois. Dans huit pays sur dix les programmes en question n’ont même pas rejoint la moitié de la population.
  • Certains pays comme l’Afrique du Sud, la Namibie et la Bolivie étaient mieux préparés car des prestations sociales quasi universelles y étaient en place avant la pandémie. Selon Oxfam, la plupart des autres pays pourraient y parvenir moyennant de meilleures politiques et un soutien accru.
  • D’ici 2030, le Kenya et l’Indonésie pourraient par exemple faire reculer leur taux de pauvreté de 25 % et 31 % respectivement en investissant dès maintenant 1,7 % de leur PIB dans des programmes de protection sociale universelle.
  • De nombreux pays en développement sont parvenus à mobiliser une aide non financière, comme de l’aide alimentaire, mais cela est souvent insuffisant pour combler les lacunes globales des programmes officiels de protection sociale.

Selon Gabriela Bucher, directrice générale d’Oxfam, la protection sociale est à la fois une planche de salut et un droit humain, mais aussi l’un des investissements les plus puissants et abordables pour réduire les inégalités, la vulnérabilité, la pauvreté et les besoins. « Le bien-fondé de l’aide internationale, de la fiscalité progressive et de la solidarité internationale n’a jamais été si évident, précisément du fait de la période désespérée que nous vivons actuellement » explique-t-elle.

À la suite d’années de sous-investissement et de conseils souvent mal avisés (comme l’imposition stricte et arbitraire de conditions de ressources pour être éligible aux programmes), la plupart des pays en développement se retrouvent avec des programmes de protection sociale superficiels ou défaillants et sont exposés aux pires conséquences de la pandémie.

« Oxfam a atteint 11,3 millions de personnes par le biais de nos programmes d’intervention Covid à travers le monde. Pour autant, malgré la forte mobilisation de la société civile, avec des partenaires locaux et un leadership communautaire en première ligne, les besoins des populations atteignent une ampleur accablante et ne cessent d’augmenter » indique Mme Bucher.

Le rapport « À l’abri de la tempête », présente des histoires comme celle de Sovann Vary, une mère célibataire qui a emprunté 5 000 dollars US pour acheter un tuk-tuk lorsqu’elle a perdu son emploi de femme de ménage. Elle a toutes les peines du monde à rembourser la somme et n’est pas éligible au régime d’assurance sociale mis en place par le gouvernement cambodgien. On y découvre également l’histoire de Brenda Carolina, une employée de la confection dont la famille dépend désormais d’une aide alimentaire sporadique après que sa demande d’aide ait été rejetée, malgré les efforts du gouvernement guatémaltèque pour accroître sa couverture. « Chaque jour, nous recevons des témoignages comme ceux de Vary et de Brenda », déplore Mme Bucher.

« Il est encore temps pour les gouvernements des pays en développement de renforcer le soutien apporté à leur population en augmentant les impôts des plus riches pour financer des programmes de protection sociale universelle décents. Il est aussi encore temps pour les pays riches d’augmenter leur aide et leurs réserves de devises et d’annuler les dettes pour aider à financer ces efforts. »

Oxfam appelle à la création d’un Fonds mondial pour la protection sociale destiné à empêcher une explosion des inégalités et de la pauvreté dans le monde. Ce fonds servirait de pierre angulaire pour une économie post-Covid plus égalitaire et résiliente. Les gouvernements doivent augmenter de 2 % la part de leur PIB consacrée aux programmes de protection sociale et garantir un revenu minimum pour les enfants, les personnes âgées, les mères et les personnes handicapées.

« Des investissements sans précédent sont maintenant nécessaires, conclut Mme Bucher. Des investissements qui s’attaquent de front à la crise, avec courage. Des investissements qui s’inspirent de ce que font les pays les plus performants. »

NOTES

Selon l’Organisation internationale du Travail, jusqu’à 4 milliards de personnes n’avaient accès à aucune protection sociale avant la pandémie de coronavirus (Rapport mondial sur la protection sociale 2017-2019). La Banque mondiale estime à 1,3 milliards le nombre de personnes atteintes depuis le début de la pandémie grâce à une extension de la couverture de l’aide sociale par le biais de transferts monétaires.

Source Banque mondiale : U. Gentilini et al. (2020), Social Protection and Jobs Responses to COVID-19.

Oxfam a travaillé sur cette recherche en partenariat avec Development Pathways.

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